Entreprendre : « Même si ce n’est pas parfait tout de suite, le plus important c’est de commencer »

Entreprendre : « Même si ce n’est pas parfait tout de suite, le plus important c’est de commencer »
Jeune ingénieur passionné et entrepreneur par surprise, il nous raconte avec enthousiasme la genèse d’un petit boîtier qui pourrait bien changer la donne en matière de sécurité personnelle. Entretien avec Adrien Guilloux (2022), cofondateur de Safee, ou comment un projet d’étudiant est devenu une start-up primée au CES.
Adrien, tu es diplômé depuis 2022. Tu avais quoi en tête en sortant de l’école ?
À la base, je sortais de l’ESME, en filière transformation énergétique, et je faisais un double diplôme en management à ISG. Mon idée, c’était de me lancer dans l’entrepreneuriat… mais plus tard, après quelques années d’expérience. Et puis les choses se sont un peu bousculées.
Comment ça, bousculées ?
Pendant mon année à ISG, j’ai rencontré Luc - mon associé aujourd’hui - qui avait une idée un peu folle au démarrage : c’était une «coque de téléphone anti agression» . Rien de très concret à l’époque, juste une intuition. Et comme moi j’étais du côté technique, ça a tout de suite matché. On a commencé à travailler dessus sur notre temps libre… et les projets scolaires nous ont permis d’en faire une base de travail.
Donc tu étais encore étudiant quand Safee est né ?
Exactement. C’était un peu plus qu’un projet d’étude, il y avait déjà la volonté de monter une start up . Et puis, on a commencé à y croire sérieusement quand on a gagné un CES Innovation Award en 2022 (CES ou Consumer Electronic Show, prestigieux salon de Las Vegas). À l’époque, on n’avait qu’une maquette, même pas un prototype fonctionnel. Gagner ce prix, ça a tout changé. Visibilité énorme, crédibilité instantanée… on a créé une SAS, et l’aventure était lancée.
« En cas de danger, on appuie trois fois sur le boitier : une alarme se déclenche et une alerte est envoyée à ses proches avec localisation en temps réel et vidéo en live »
Alors, Safee, concrètement, c’est quoi ?
C’est un petit boîtier magnétique qu’on fixe à l’arrière du téléphone. En cas d’agression ou de danger, on appuie trois fois dessus : une alarme de 105 décibels se déclenche, une alerte est envoyée à ses proches via l’application, avec localisation en temps réel et vidéo en live. Les vidéos sont enregistrées pour pouvoir déposer plainte en cas d’incident.
Pourquoi ce choix de le fixer sur le téléphone ? Bluetooth, ça marche aussi à distance, non ?
Bonne question. L’idée, c’est que la vidéo doit capturer la scène. Donc, si on a le téléphone dans la main, c’est plus simple pour filmer ce qui se passe. Et comme tout le monde a son téléphone en permanence, ça garantit que Safee est toujours sur soi, prêt à l’emploi. Il pèse 40g, fait 7 mm d’épaisseur, donc il reste discret.
À l’origine, vous étiez partis sur un autre design, non ?
Oui, on voulait faire une coque de téléphone intégrée. Mais industriellement, c’était un cauchemar. Il aurait fallu une version pour chaque modèle de téléphone ! Finalement, on a opté pour un format universel magnétique, compatible avec tous les téléphones, iPhones comme Android.
Qu’est-ce qui t’a séduit dans ce projet ?
L’innovation. Ce produit n’existait pas, ou pas comme ça. Et surtout, j’avais envie de toucher à tout. En me lançant dans une start-up, j’ai pu gérer la technique, le développement hardware et firmware, la gestion de projet, le business... Clairement, je n’aurais jamais eu une telle vision globale en suivant une voie plus classique.
Tu évoques une aventure qui n’a pas toujours été facile…
Il y a eu des moments difficiles, bien sûr. Des galères techniques, des bureaux d’étude peu compétents, des contrats commerciaux perdus à cause d’un lancement précipité. Et puis la pression permanente… Il y a eu des moments où l’on s’est dit : “OK, demain, c’est peut-être la fin”. Mais on trouve des solutions, on apprend. C’est une expérience de dingue. Et aujourd’hui, je ne regrette pas une seconde.
Et après le CES ? Comment s’est passée la suite ?
On a eu pas mal de visibilité, des investisseurs qui sont venus vers nous. Mais nous n’étions pas prêts ! Le produit n’était pas encore finalisé. On a sans doute été un peu trop vite du côté commercial. Mais ça nous a mis un coup de boost énorme pour accélérer le développement.
Et maintenant, où en est Safee ?
Le produit est finalisé et commercialisé depuis début 2025, on a surmonté beaucoup d’obstacles. On continue à chercher des financements, à peaufiner le marketing, à sécuriser la production. Mais on avance. Et surtout, on garde notre cap : rendre la sécurité accessible, simple, et toujours à portée de main.
Pourquoi avoir choisi la Chine pour fabriquer votre produit ?
Parce que sur le papier, c'était le plus rapide et le moins cher. Et surtout, l’usine que nous avions choisie était reconnue pour la qualité de son travail. C’est un partenaire français - une entreprise d’approvisionnement en composants électroniques - qui nous a mis en relation avec elle dans le cadre d’un contrat tripartite. Ils la connaissaient bien, on avait donc une forme de garantie. À l’époque, on était dans une vraie course contre la montre pour sortir le produit rapidement : il y avait beaucoup d’attentes côté commercial.
Où en êtes-vous aujourd’hui en termes de commercialisation ?
On a commencé à vendre début 2025. Le premier lot - 2 000 pièces - est parti au Canada via un distributeur rencontré à Las Vegas. Aujourd’hui, on s’apprête à livrer le Brésil, la Colombie et bientôt le Mexique. L’intérêt est très fort en Amérique latine, où le sentiment d’insécurité est plus marqué qu’en France. Ici, on a du mal à faire passer les gens à l’achat malgré un intérêt réel. Cela dit, on avance avec Bouygues Telecom, et Boulanger prévoit une mise en vente en magasin avant la fin de l’année.
Revenons sur le produit. Tu as parlé d’alarme et de scènes filmées et partagées en direct. Y a-t-il aussi un contact direct avec la police ?
Malheureusement, aujourd’hui en France, c’est juridiquement impossible. Les services d’urgence doivent être contactés par appel vocal. Par contre, on travaille à une solution avec des centres de sécurité privés - comme pour les alarmes de maison - qui, eux, peuvent agir plus vite et sont en lien direct avec la police.
En tant qu’ingénieur, que t’a apporté l’école ?
Au-delà des compétences techniques, une capacité à raisonner, à comprendre vite et à m’adapter. On a vu tellement de choses différentes à l’école que face à n’importe quelle problématique, je ne me suis jamais senti paralysé. Je me suis toujours dit : "OK, je peux apprendre."
Quel conseil donnerais tu aux jeunes ingénieurs ?
Croire en une idée, c’est une chose. Travailler jour et nuit pour la rendre réelle, c’en est une autre. Mais c’est une aventure incroyable. Si j’avais un message à faire passer : osez, testez, apprenez. Même si ce n’est pas parfait tout de suite, le plus important, c’est de commencer. Il ne faut pas attendre un chemin tout tracé. Il faut oser, y aller à fond quand on sent qu’un projet en vaut la peine. Même si l’expérience est courte, elle peut être très formatrice.
Pour en savoir plus sur le produit Safee : cliquez
Après une première levée réussie de 870 000 €, Safee entre dans sa phase Seed et ouvre une nouvelle levée de 1 M€. Objectif : conquérir le marché stratégique de l’Amérique du Sud, déjà porteur de fortes opportunités. Nous recherchons des investisseurs visionnaires prêts à rejoindre une aventure ambitieuse, à fort potentiel d’impact et de croissance internationale.


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